Géographie historique et communale de la Charente.... par J. Martin-Buchey,... Martin-Buchey, Jules (1850-1918).
COMMUNE DE MOUTHIÉRS-SUR-BOËME
Superficie = 3472 hect. 83; Population = 1366 habitants.Sous tous les rapports, Mouthiers tient le premier rang parmi les dix-neuf communes du canton de Blanzac. C'est la commune la plus étendue et la plus peuplée du canton ; l'industrie y tient une place des plus importantes ; la diversité des sites qu'elle offre aux
regards des touristes en fait un magnifique but d'excursion ; enfin les souvenirs historiques qui s'y rattachent sont des plus intéressants.
Cette commune occupe la partie septentrionale du canton ; elle est très variée d'aspect. La Boëme la parcourt du sud au nord : au sud du bourg de Mouthiers, la vallée est encaissée entre de hautes falaises rocheuses, au sommet desquelles se dressent d'anciens logis ; au nord, au contraire, après avoir dépassé le site ravissant de La
Rochechandry, la rivière se divise en plusieurs bras au milieu d'une vaste plaine marécageuse. Des deux côtés de la vallée s'étendent de vastes plateaux boisés et couverts de riches récoltes.
La Boëme est très poissonneuse et produit notamment des écrevisses d'excellente qualité. La commune est limitée au nord, sur une certaine distance, par la Charrau, qui la sépare de la commune de Vœuil.
L'industrie est des plus florissantes dans la commune de Mouthiers. Les prairies marécageuses de la Boëme fournissent de la tourbe ; de belles carrières ont été ouvertes dans le flanc des coteaux et l'on en extrait d'excellente pierre de taille ; la Boëme fait également mouvoir plusieurs moulins ; mais l'établissement de beaucoup le plus considérable est l'usine à papier de La Rochechandry.
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Elle a pris une très grande importance, surtout depuis qu'on y fabrique le papier couché.
De magnifiques et nombreuses voies de communication facilitent l'écoulement des produits, tant agricoles qu'industriels. C'est
d'abord la ligne du chemin de fer de Paris à Bordeaux qui possède au bourg de Mouthiers une très importante station. La route départementale N° 1 d'Angoulême à Montmoreau effleure la partie orientale de la commune. De cette route se détache, dans la commune voisine de Vœuil, la route départementale N° 15 d'Angoulême à Mouthiers, qui se continue, au delà du bourg de Mouthiers, par le chemin de grande communication N° 15 de Martron à Confolens, par Blanzac. Le sud de la commune est parcouru par le chemin de grande communication N° 32 de Châteauneuf à Lavalette.
De nombreux chemins d'intérêt commun complètent ce réseau ;
ils unissent la commune de Mouthiers aux communes voisines de La Couronne, Roullet, Claix, Plassac et Fouquebrune.
L'histoire de Mouthiers, c'est l'histoire du château de La Rochechandry qui, du haut de son rocher, domine la petite cité et semble encore aujourd'hui la prendre sous sa protection.
Ce château fut vraisemblablement construit, vers le neuvième siècle, par Guillaume Chandéric, seigneur de Saintes, alors en guerre contre Emenon, comte d'Angoulême. Les successeurs de ce premier seigneur y ajoutèrent de nouvelles fortifications et en firent une place presque imprenable.
Aussi, 'lorsque vint à éclater la guerre de Cent ans, le château de La Rochechandry fut-il l'objet des convoitises des deux partis, Français et Anglais. Il fut d'abord occupé par les Anglais, qui paraissent s'y être maintenus pendant longtemps ; mais, en 1387, le maréchal de Sancerre parvint à les en déloger. Craignant qu'il ne retombât aux mains des ennemis, ce prudent capitaine ordonna la démolition du château.
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De nouveau les Anglais exercèrent leurs ravages dans la contrée, pillant les monastères et incendiant les maisons des pauvres serfs, qu'ils rançonnaient et maltraitaient.
Enfin, en 1416, le sire de Barbazan, un des plus vaillants capitaines du roi de France, parvint à les chasser définitivement et fit démolir le château.
Jusqu 'au seizième siècle, le château de La Rochechandry demeura dans la même famille ; mais, à cette époque, il en sortit et devint successivement la propriété des Saint-Gelais, des Tison d'Argence et enfin de la famille Forgue de Lavedan.
Ce fut l'un de ces derniers, Raymond de Forgue de Lavedan, conseiller du roi et gouverneur de la Saintonge et de l'Angoumois, qui entreprit la reconstruction du château. Il n'eut pas le temps d'achever son œuvre, et ses descendants abandonnèrent ce projet.
Son petit-fils, Bernard de Forgue de Lavedan, ayant perdu toute sa fortune au jeu, dut vendre la baronnie de La Rochechandry, qui fut acquise, le 14 mai 1710, par Etienne Chérade, comte de Montbron. A la mort de ce dernier, la baronnie de La Rochechandry revint à sa fille, Marguerite Chérade, qui épousa, en 1721, Jacques-Louis Le Musnier, seigneur de Lartige et autres lieux.
De ce mariage vinrent plusieurs enfants, dont un seul fils, Louis Le Musnier, qui hérita de la baronnie. Ce dernier, plus connu sous le nom de M. de Raix, acquit, en 1746, la charge de lieutenant général et la conserva jusqu 'à la Révolution. Il mourut en 1807, sans avoir été marié, et ses biens passèrent à ses neveux.
M. Lacourade, qui devint propriétaire du château après la Révolution, ne crut pas devoir en achever la reconstruction; bien au contraire, il en fit une carrière, où il puisa les matériaux nécessaires à la construction de l'usine édifiée à ses pieds.
C'est à partir de 1850 que le château fut reconstruit à grands frais, d'abord par M. Servant, banquier à Angoulême, puis par M. Adelme Tabuteau. C'est aujourd'hui une magnifique demeure, entourée d'un beau parc anglais, qui couvre les flancs du coteau.
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Mouthiers (490 hab.), à treize kilomètres nord-est de Blanzac et douze kilomètres d'Angoulême, est une véritable petite ville animée et commerçante, où se tiennent, le 8 de chaque mois, des foires importantes. Cette petite ville est située sur la Boëme et au point de jonction de plusieurs routes.
Elle possède un bureau de poste, une perception et une étude de notaire. Les registres de l'état civil remontent à l'année 1660.
Le nom de Mouthiers vient d'un ancien monastère de l'ordre de Saint-Benoît, qui paraît avoir prospéré jusqu'au douzième siècle.
Ruiné par la guerre de Cent ans et, plus tard, par les guerres religieuses, ce monastère devint un simple prieuré, qui disparut à la Révolution.
L'église, qui est l'ancienne église du monastère, est très remarquable par ses vastes proportions et par la beauté de son architeture. La nef a été revêtue en entier d'une muraille de soutènement pendant la période ogivale, de sorte qu'elle présente à l'extérieur un édifice gothique et à l'intérieur une de nos plus belles et plus anciennes églises romanes.
Par l'école architecturale à laquelle elle se rattache, l'églisede Mouthiers est un des plus intéressants monuments de la Charente,offrant une nef très archaïque du neuvième siècle, un beau transept du douzième siècle avec son abside et un remarquable clocher octogonal.
Parmi les nombreux domaines que renferme la commune de Mouthiers, nous citerons les principaux.
Le château de La Foix, dont il ne subsiste que des ruines, était construit au sommet d'une haute colline, dans une contrée boisée.(...)
Non loin de là, se dressent les mâchicoulis, en assez bon état de conservation, du logis de la Bussière, ancienne possession de la famille Préveraud, dont un membre fut maire d'Augoulême, en 1656.
Si l'on remonte la vallée de la Boëme, au-dessus du bourg de Mouthiers, on rencontre d'abord la belle propriété de Forges, qui appartient à l'une des familles les plus honorables et les plus sympathiques d'Angoulême, la famille Sazerac de Forges, et où l'on remarque une superbe source, assez abondante pour mettre en mouvement une papeterie, aujourd'hui arrêtée.
Le logis des Gagniers, situé près de la ligne du chemin de fer était un fief noble appartenant à la famille Faligon, dont un membre, Toussaint Faligon, sieur des Gagniers, fut aide de camp des armées du roi. Il appartient aujourd'hui à la famille Desmazeaud.
A l'extrême sud de la commune, au sommet des rochers qui dominent la ligne du chemin de fer, s'élève le logis des Rousselières, ancienne possession de la famille de Galard de Béarn, restauré dans le meilleur goût par son propriétaire actuel, M. Delalande.
Citons enfin le beau domaine de Grandchamp, qui fut possédé par notre historien de l'Angoumois, Louis Desbrandes, ancien maire d'Angoulême. Ce domaine appartient aujourd'hui à un honorable négociant de Bordeaux, M. Jutard, neveu de Louis Desbrandes.
De nombreuses curiosités peuvent attirer les touristes dans la commune de Mouthiers.
A l'extrémité d'un promontoire qui s'avance entre la vallée de la Charrau et celle d'un petit affluent de ce cours d'eau, on rencontre le Camp de Vœuil ou Fort des Anglais, dont nous avons donné la description dans la notice sur la commune de Vœuil.
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Enfin, dans l'est de la commune, au lieu dit le Jars, existe un curieux souterrain, qu'un éboulement a fait découvrir et dans lequel on a trouvé de nombreux débris de vases et d'ustensiles de toutes sortes.
La commune de Mouthiers renferme plus de soixante-dix hameaux. Nous nous bornerons donc à indiquer les principaux : La Rochechandry (38 hab.), village construit autour de l'usine et au pied du château ; Jersac (89 hab.), gros village situé sur la route de Mouthiers à Plassac ; Chez-Naulet (33 hab.) et les Fayards (30 hab.), dans la partie orientale de la commune ; le Grand-Guillon
(20 hab.), près de la ligne du chemin de fer, au nord du bourg de Mouthiers ; Chez-les-Rois (48 hab.) et le Morineaud (36 hab.), dans le sud-est de la commune; Chez-Régnier (31 hab.), au-dessus du viaduc des Coutaubières ; les Sigogneaux (38 hab.), près de la Boëme, sur la route de La Couronne ; le Roc (18 hab.) et le Rosier (20 hab.), dans le nord de la commune, etc., etc.
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