Géographie historique et communale de la Charente.... par J. Martin-Buchey,... Martin-Buchey, Jules (1850-1918).
COMMUNE DE COGNACSuperficie = 1455 hect. 28 ; Population = 19188 habitants.
COGNAC est la ville la plus connue du monde entier, grâce à la liqueur merveilleuse qu'elle exporte sur tous les points du globe, et pourtant son origine est des plus difficiles à établir. On ne sait,
en effet, rien de bien précis sur cette ville avant le dixième siècle et l'on en est réduit aux conjectures.
Ce que l'on peut supposer avec le plus de vraisemblance, c'est que l'origine de Cognac est postérieure à la période gallo-romaine et que cette ville eut pour premiers habitants la population des campagnes environnantes qui, ruinée par les invasions barbares du quatrième siècle, se réfugia sur le point culminant de la colline qui domine la Charente.
En cet endroit, le fleuve décrit une courbe prononcée, qui forme un port naturel ; aussi les habitants de Cognac s'adonnèrent-ils promptement à la navigation.
Dès cette époque lointaine, les marais salants de la Saintonge existaient et leurs produits étaient recherchés au loin. Cognac du donc être, dès les premiers temps, un centre de commerce important pour le sel, que ses bateliers allaient chercher sur les marais.
Nous savons, en effet, que, longtemps avant le dixième siècle, cette ville faisait un trafic considérable de ce produit de première nécessité, qu'elle exportait en Angoumois, en Poitou, dans le Limousin
et jusqu'en Auvergne.(...)
Il faut remarquer que, dans la donation consentie par le roi d'Angleterre, il est seulement question du château et non de la ville de Cognac. Il est donc vraisemblable que, dès cette époque, tout en relevant de la seigneurie, la ville de Cognac n'en dépendait pas complètement et qu'elle avait une administration communale, s'exerçant par des magistrats spéciaux. Une lettre de roi Henri III à son représentant, Philippe d'Uletot, datée du 16 septembre 1220, nous apprend, du reste, que ces magistrats portaient le nom de Prud'hommes.
La victoire du jeune roi Louis IX, à Taillebourg, brisa les résistances des grands vassaux ; le roi d'Angleterre, vaincu, fut obligé d'abandonner ses prétentions sur nos provinces et le comte d'Angoulême dut se réconcilier avec le roi de France.
Par leur testament du mois de mars 1242, Hugues de Lusignan et Isabelle partagèrent leurs immenses possessions entre leurs enfants et donnèrent les seigneuries de Cognac et de Merpins à leur second fils, Guy de Lusignan.
La seigneurie de Jarnac étant dévolue à Geoffroy, frère puîné de Guy, une clause du testament stipula que si, pour une cause quelconque, Geoffroi venait à être inquiété dans la possession de sa part d'héritage, Guy devrait lui donner, à titre de compensation, cent livres de rente à prendre sur le port Saunier de Cognac. Cette dernière clause montre quelle était déjà l'importance du commerce du sel.(...)
A son retour en Angleterre, après la bataille de Taillebourg, le roi Henri III avait trouvé les barons anglais révoltés contre son autorité. Guy de Lusignan, à la tête de nombreux hommes d'armes, accourut au secours de son frère ; mais il ne put l'empêcher de subir une humiliante défaite.
Il revint alors en France et s'occupa exclusivement de l'administration de ses domaines. Par la charte de 1262, il confirma les anciens privilèges dont jouissaient les habitants de Cognac.
C'est à Guy de Lusignan que Cognac est redevable de l'enceinte fortifiée qui entourait l'ancienne ville. Cette enceinte, protégée par de larges et profonds fossés, était percée de plusieurs portes, qui
donnaient accès dans la cité. L'une de ces portes, la plus forte, dominait le pont qui unissait les deux rives de la Charente. Elle
existe encore et les deux tours qui la flanquent ont longtemps servi de prison.
Après la mort de Guy de Lusignan (1288), les seigneuries de Cognac et de Merpins revinrent à Hugues le Brun, comte d'Angoulême, qui les transmit à son frère Guy.
Nons savons qu'après la mort de ce dernier (1308), le comté d'Angoulême et, avec lui, les seigneuries de Cognac et de Merpins furent réunis à la Couronne de France par le roi Philippe le Bel.
La famille de Lusignan avait conservé la possession de Cognac pendant près d'un siècle (1222-1308).
Ce fut une période de prospérité pour la ville de Cognac. Grâce à la protection éclairée de ses seigneurs, son commerce se développa rapidement. La Charente fut rendue navigable jusqu'à Châ-
teauneuf, ce qui facilita les transactions avec le haut pays et donna une nouvelle extension au commerce du sel. Les vins de la contrée étaient conduits à La Rochelle, où les vaisseaux anglais venaient les chercher pour les transporter en Angleterre. Aussi la population s'était-elle accrue dans de fortes proportions et la ville était-elle devenue une des plus riches de la contrée.
(...)
Un document de 1321 nous apprend comment Jean Morel, doyen des marchands de l'île d'Oléron, fut condamné à la confiscation d'un chargement de sel et à une forte amende, pour avoir déclaré une quantité de sel inférieure à celle que contenait réellement le chargement.
La comtesse Jeanne mourut en 1349. L'année suivante, le roi Jean donna le comté d'Angoulême à son favori, Charles de La Cerda, qu'il fit également connétable de France.
Peu satisfaits de voir le comté passer entre les mains d'un prince étranger, les habitants de Cognac réclamèrent alors au nouveau comte des privilèges de commune mieux définis que ceux qu'ils tenaient de la charte de Guy de Lusignan. Cette nouvelle charte communale leur fut consentie au mois de mai 1352. Non seulement elle leur confirmait leurs anciens privilèges, mais elle leur octroyait les franchises et les libertés, dont jouissaient alors un grand nombre de villes de France.
Le Corps de ville, auquel incombait l'administration de la cité, se composait, comme dans les autres communes, de conseillers, élus directement par la communauté, ayant à leur tête un maire,
assisté par des échevins. Lors de son installation, le Corps de ville devait prêter serment de fidélité au comte d'Angoulême et lui faire hommage d'un anneau d'or.(...)
Après la défaite de Poitiers (1356), le roi Jean, emmené en captivité en Angleterre, se vit obligé de signer le honteux traité de Brétigny, par lequel Cognac, avec tout l'Angoumois, fut livré aux Anglais. Cognac cessa alors de jouir des droits de commune, accordés par Charles de La Cerda,et oute l'administration fut concentrée entre les mains du captai de Buch.
Cependant, après la mort du roi Jean, sous l'énergique impulsion du connétable Du Guesclin,la guerre avait recommencé sur tous les points. Le captai de Buch, vaincu et fait prisonnier à Cocherel
(1364), avait recouvré sa liberté moyennant une forte rançon ; mais, pris de nouveau les armes à la main devant Soubise (1372), il fut enfermé dans la tour du Temple, à Paris, où il mourut en 1377.
Effrayé des progrès que faisaient chaque jour les armées françaises, le prince de Galles s'enferma dans Cognac, où il appela à lui tous ses chefs de bandes, et, pour s'attacher les habitants de cette ville, il leur reconnut les franchises communales de la charte de 1352.
Lorsqu'il eut reçu les renforts importants amenés d'Angleterre par le duc de Lancastre, le prince Noir partit, avec toutes ses troupes, pour aller reprendre la ville de Limoges, qui avait ouvert ses portes au duc de Berry, et il ne revint à Cognac qu'après avoir mis à feu et à sang la malheureuse cité.
(...)
Le 1er juin 1375, le duc de Berry fit son entrée solennelle à Cognac.
Puis, habilement secondé par Renaud VI, sire de Pons, que le roi avait nommé gouverneur de la ville, ce prince parvint, en quelques années, à débarrasser le pays des bandes de pillards qui l'infestaient.
La prise des châteaux de Bouteville et de Châteauneuf, qui servaient de points d'appui aux bandes anglaises, facilita beaucoup ces opérations.
Le maréchal de Sancerre, qui succéda au duc de Berry, acheva son œuvre et fit abattre les châteaux qui avaient servi de refuge aux ennemis, notamment ceux de Jarnac et de Bourg-Charente.
Cognac avait beaucoup souffert pendant cette guerre. Au mépris des franchises communales, les Anglais s'étaient attribué la totalité des impôts, et le Corps de ville n'existait plus.
Cependant, à la faveur de la rivalité qui mettait aux prises les Armagnacs et les Bourguignons, les Anglais allaient bientôt envahir de nouveau notre pays.
Le comté d'Angoulême avait été donné en apanage à Louis d'Orléans, frère du roi. Ce dernier ayant été assassiné par les gens du duc de Bourgogne, son fils, Charles, avait appelé à son aide les Anglais, et, ne pouvant les payer, il avait dû leur livrer en otage son jeune frère, Jean, comte d Angoulême.
Profitant alors de nos discordes civile, le roi d'Angleterre envahit la France, et, après la bataille d'Azincourt, qui coûta la vie aux plus nobles chevaliers de France, les Anglais se répandirent de nouveau dans nos campagnes.
(...)
Ce fut seulement en 1444 que le comte Jean put revenir de captivité. Pour payer la rançon de cent mille écus qui lui était réclamée, il dut vendre son comté de Périgord au duc Jean de Bretagne.
Dès son retour, le comte Jean rejoignit l'armée royale. Il aida le brave Dunois à chasser les Anglais des positions qu'ils tenaient encore en Guyenne et prit une grande part à la victoire de Castil-
lon, qui mit fin à la guerre terrible qui avait désolé notre pays pendant plus de cent ans.
Il revint alors dans son comté d'Angoulême et se consacra entièrement à l'administration de ses domaines.
Le comte Jean d'Angoulême qui, par ses vertus, mérita le nom de Jean le Bon, était le second fils de Louis d'Orléans et de Valentine Visconti Il avait huit ans lorsqu'il fut emmené en Angleterre, où il resta prisonnier pendant trente-deux ans.
Lorsque les Anglais eurent été définitivement chassés de France, le comte Jean s'employa à réparer les ruines accumulées par la guerre néfaste qui venait de finir. Il affectionnait tout particulière-
ment le séjour de Cognac. Le château étant en ruines et inhabitable, il le fit reconstruire et l'habita presque constamment, après son mariage avec Marguerite de Rohan.
En 1446, il acheta de Pierre Bragier, seigneur de Brizambourg,
la seigneurie de Bourg-Charente, qu'il paya six mille deux cents écus d'or, et il acquit de Jean de La Rochefoucauld les quatre quints de Châteauneuf.
Prince pieux et équitable, il fit réparer les églises ravagées pendant la guerre, leur fit de grandes libéralités et releva de ses ruines la magnifique église abbatiale de Châtres.
(...)
Les premiers séjours du roi à Cognac eurent lieu en 1519 et en 1522. Il était accompagné de l'élite de sa noblesse. A cette occasion, de grandes fêtes eurent lieu au château de Cognac. Le 13 mars 1522, en présence de la mère et de la sœur du roi, plusieurs seigneurs, qui s'apprêtaient à le suivre en Italie, reçurent de ses mains les insignes de la Chevalerie.
On connaît les résultats désastreux de la campagne d'Italie: l'armée française fut mise en déroute à Pavie et le roi, fait prisonnier, fut emmené en captivité à Madrid. On sait également comment, afin de
recouvrer sa liberté, François Ier fut obligé de signer, avec Charles-Quint, le traité de Madrid, par lequel la Bourgogne était abandonnée à l'Empereur.
Aussitôt libre, le roi accourut à Cognac où l'attendait une cour nombreuse. C'est là que se trouvaient les envoyés de Charles-Quint, venus pour le sommer d'exécuter les clauses du traité de Madrid.
Pour toute réponse, le roi reçut, en leur présence, les députés de la Bourgogne venant déclarer que cette province refusait de se séparer de la Couronne de France. De plus, une assemblée de notables, réunie à Cognac, déclara que le roi ne pouvait disposer des provinces du royaume sans le consentement de la nation.
C'est également pendant ce séjour du roi que fut conclue, avec les ambassadeurs du pape, du roi d'Angleterre et de divers états de l'Allemagne et de l'Italie, la ligue de Cognac, destinée à mettre
un terme aux projets ambitieux de l'Empereur (22 mai 1526).
François Ier ayant refusé d'exécuter les clauses du traité de Madrid, la guerre recommença et se continua avec des alternatives de succès et de revers jusqu 'au traité de Cambrai (1529).
(...)
Lorsque, sous le règne de François Il, les passions religieuses se furent déchaînées dans tout le royaume, Pierre de Montalembert, gouverneur de Cognac, réussit pourtant à maintenir l'ordre dans la
ville ; il put assurer le libre excercice du culte catholique et obligea les protestants à s'abstenir de toutes manifestations poli-
tiques
Cependant, les passions étaient trop vivement surexcitées, de part et d'autre, pour que les tentatives de conciliation, entreprises par le chancelier de L'Hôpital, pussent avoir chance de réussir; la guerre
civile était inévitable.
Le signal en fut donné par le massacre des protestants à Vassy.
Tout d'abord, les catholiques et les protestants s'entendirent, à Cognac, pour garder la ville et en interdire l'entrée à toute troupe armée, qu'elle fût catholique ou protestante. Mais la présence, dans
les environs du seigneur de Marthon, Hubert de La Rochefoucauld, chef des catholiques, ayant enhardi ces derniers, le lieutenant civil Robiquet et le maire Dalembert complotèrent de lui livrer la ville.
Les protestants, ayant eu connaissance de ce complot, s'em parèrent de l'hôtel de ville et occupèrent tous les postes. Puis, dans leur irritation, ils se précipitèrent dans l'église Saint-Léger, brisèrent les autels et instituèrent le seigneur d'Asnières gouverneur de la place. L'exercice du culte catholique cessa alors dans l'église Saint-Léger et les protestants s'y réunirent pour faire le prêche.
Cependant, le seigneur de Marthon, ignorant ce qui s'était passé, s'approcha des portes à l'heure convenue. Il fut reçu à coups de mitraille et dut se retirer à Chateauneuf, où il fut bientôt assiégé
par les sires de Montguyon et de Saint-Séverin. N'ayant pu réussir à prendre Châteauneuf, ces derniers se retirèrent vers Cognac, qui refusa de leur ouvrir ses portes.(...)
Peu de temps après, le traité de Saint-Germain vint rétablir la paix dans le royaume. La ville de Cognac était une des quatre places de sûreté que ce traité accordait aux protestants.
Le massacre de la Saint-Barthélemy (24 août 1572) n'eut pas de répercussion sérieuse dans notre province ; le sang protestant ne coula pas dans les rues de Cognac. Après ce drame sanglant, la
guerre recommença entre catholiques et protestants ; mais notre province eut peu à en souffrir.
Cependant, en 1578, les catholiques formèrent entre eux la Sainte-
Ligue. Le but apparent de cette association était de sauvegarder les intérêts de la religion ; mais, en réalité, les ligueurs servaient les intérêts du duc de Guise, dont l'ambition ne tendait à rien de moins
qu'à détrôner à son profit le faible roi Henri III. La guerre devenait donc politique autant que religieuse.
Effrayée de l'influence croissante du duc de Guise, la reine-mère, Catherine de Médicis, songea à se rapprocher du roi de Navarre et à négocier une alliance entre ce prince et son fils, Henri III. Elle
vint donc à Cognac. Après quelques pourparlers, une entrevue fut convenue entre elle et le Béarnais. Tout d'abord, cette entrevue devait avoir lieu sur un pont construit sur la Charente et cinquante
arbres furent, en effet, coupés et transporté à Cognac pour l'établis-
sement de ce pont Mais, pour une cause inconnue, ce projet fut abandonné et il fut convenu que les conférences auraient lieu au château de Saint-Brice.
Ces conférences (septembre 1586) n'eurent d'autre résultat qu'une prolongation de la trêve jusq u'au six janvier suivant, Catherine de Médicis rentra alors à Cognac, où elle demeura quelques jours.
(...
La même année (1598), l'Edit de Nantes, en reconnaissant aux protestants le libre exercice de leur culte et leur admission aux emplois publics, mit fin aux guerres religieuses.
Le pays put alors respirer et consacrer son activité à réparer les ruines accumulées par quarante années de guerre civile. A Cognac, grâce aux encouragements de Sully, le commerce prit un nouvel
essort ; d'importantes maisons exportaient en Angleterre les vins.
rouges de la contrée, alors que les excellents vins blancs, récoltée dans les Borderies, étaient expédiés en Flandre et en Hollande.
D'autre part, ces maisons recevaient les produits d'Amérique, les cuirs du Canada, les épices et les étoffes du Levant, qu'elles réexpédiaient dans le haut pays.
Malheureusement, cette période de tranquillité ne devait pas durer. Les catholiques trouvaient excessives les concessions accordées aux protestants par l'édit de Nantes ; les protestants, au con-
traire, n'étaient qu'à demi satisfaits Aussi, dès les premiers jours du règne de Louis XIII, on pouvait prévoir de nouveaux troubles.
Cognac avait alors pour gouverneur le baron François de Jussac d'Ambleville, homme énergique, qui parvint à maintenir l'ordre dans son gouvernement, alors que la Saintonge était en pleine révolte.
Les principaux points d'appui des protestants étaient les villes de La Rochelle et de Saint-Jean-d'Angély. Louis XIII vint en personne assiéger cette dernière ville et s'en empara le 24 juin 1621.
Après la reddition de cette place, le roi se rendit à Cognac, où il fut accueilli avec joie par la population. Il y trouva le duc d'Epernon,
gouverneur de l'Angoumois, qu'il chargea, de concert avec le gou-
verneur Jussac d'Ambleville, d'organiser un corps d'armée pour le mener devant La Rochelle.(...)
En 1633, le comte de Parabère fut nommé gouverneur du Poitou et remplacé à Cognac par Léon de Sainte-Maure, comte de Jonzac. C'est pendant le gouvernement du comte de Jonzac qu'eut lieu le siège de Cognac par les Frondeurs.
Le gouvernement despotique du cardinal de Richelieu avait fait de nombreux mécontents dans toutes les classes de la société.
Aussi, après la mort du roi Louis XIII, lorsque le pouvoir eût passé aux mains d'un enfant de cinq ans et d'une régente, conseillée par un ministre étranger, une violente réaction s'opéra.
Le prince de Condé se mit à la tête des mécontents, et, désireux de s'établir fortement au sud de la Loire, il vint mettre le siège devant Cognac, espérant se rendre assez facilement maître de cette ville dont les murailles étaient assez mal entretenues.
A cette époque, la ville de Cognac était encore resserrée dans son ancienne enceinte, percée seulement de quatre portes, dont les trois principales étaient : la porte Angoumoisine, flanquée de deux gros ses tours rondes, et faisant face au chemin qui venait d'Angoulême, la porte Saint-Martin et la porte du Pont ; cette dernière existe encore de nos jours.
En partant de la porte Angoumoisine, la ligne des murailles suivait la direction du boulevard Denfert-Rochereau actuel et rejoignait le château ; puis, après avoir longé la rivière, elle rejoignait l'emplacement occupé aujourd'hui par la place de Beaulieu et se dirigeait ensuite vers la porte Angoumoisine par la promenade de la Corderie.(...)
Les catholiques et les protestants, oubliant leurs dissensions, s'unirent contre l'ennemi commun ; sous la conduite d'un homme de cœur, Arnaud Gay, sieur des Fontenelles, capitaine au régiment
de Piémont, toutes les mesures furent prises pour repousser les Frondeurs. Le matin de la Toussaint, le maire de Cognac, Cyvadier, qui était également capitaine de la ville, réunit tous les défenseurs de la cité, auxquels s'étaient joints les gentilshommes des environs, accourus pour prêter leur appui à la cause de la royauté. Il y avait là Charles de Courbon, comte de Blénac, Bernardin Gigault, marquis de Bellefonds, Jean-Louis de Brémond, marquis d'Ars, Josias Chesne l, seigneur de Château-Chesnel, François d'Ocoy, seigneur de Saint-Trojan et de Saint-Brice, et de nombreux seigneurs, qui tous rivalisaient de zèle et de courage.
Le lendemain, arriva le comte de Jonzac, gouverneur de Cognac, avec soixante chevaux et des fantassins qui allèrent occuper le château. On forma alors, sous la présidence du maire, un conseil de guerre, composé de quatre gentilshommes, de quatre échevins, du lieutenant-général et du procureur du roi.
Comme le roi se trouvait à Poitiers, on chargea les sieurs de Combizant, lieutenant général, et de Bornas, procureur du roi, auxquels on adjoignit Jean Allenet, bourgeois et échevin, d'aller assurer Sa Majesté de la résolution prise de mourir pour son service et de lui demander de ratifier le choix du sieur des Fontenelles
comme commandant des forces réunies dans la ville.
Ce fut le marquis de Bellefonds, qui eut l'ordre de prendre le commandement de la place. Avec le plus noble désintéressement, le sieur des Fontenelles accepta de rester en sous-ordre, et, dès le lendemain, on le vit diriger la construction d'une demi-lune destinée à protéger la porte Angoumoisine.
(...)
Dans la nuit du 8 au 9 novembre, l'armée du prince de Condé investit complètement la ville. Le régiment de La Rochefoucauld prit position sur les hauteurs de Cagouillet; le régiment d'Albret
s'établit dans l'enclos de la Chambre, et le régiment du comte de Lorge à la Perdasse; le régiment d'Enghien, qui avait envahi le couvent des Cordeliers, n'était qu'à une portée de carabine des
remparts; enfin, les régiments de Guyenne et de Tarente, ayant occupé le faubourg Saint-Jacques, sur la rive droite de la Charente, établirent un pont de bateaux, afin de se mettre en communication avec les troupes campées sur l'autre rive.
A l'intérieur de la ville, on se préoccupait vivement des mesures à prendre. Le conseil de guerre avait émis l'avis de détruire le couvent des Cordeliers, qui pouvait servir de point d'appui aux assiégeants; mais le sieur des Fontenelles s'y opposa, en faisant valoir que ce côté de la ville était le plus fort et qu'on pourrait facilement résister à l'attaque, si elle se produisait à cet endroit.
Après avoir lancé quelques boulets contre les murailles, et avoir ainsi montré la puissance de leur artillerie, les assiégeants envoyèrent un trompette sommer les habitants de se rendre. Ceux-ci répondirent qu'ils étaient résolus à se défendre et à mourir pour le service du roi.
On se prépara alors à la résistance. Les gentilshommes, ayant à leur tête les sieurs de Bellefonds et des Fontenelles, se portèrent au lieu de l'attaque, pour protéger la tour de Lusignan, qui était défendue par un fossé large et profond. Il n'y avait donc à craindre que la mine. Aussi, pour empêcher les assiégeants de s'approcher du pied de la tour, pendant toute la nuit on jeta dans le fossé une grande quantité de cercles et de javelles goudronnés et enflammés, afin d'éclairer le fossé.
Les jours suivants, les assiégeants continuèrent de battre les murailles avec leur artillerie, sans causer beaucoup de dommages.
(...)
Le comte de Jonzac, gouverneur de Cognac, mourut le 21 juin 1671. Il eut pour successeur son fils, Alexis de Sainte-Maure, qui ne lui survécut que quelques années. Après son décès, l'influence
de Mme de Maintenon fit donner le gouvernement de Cognac à Charles d'Aubigné, dit le comte d'Aubigné.
Ce fut une période de décadence pour la ville de Cognac. C'est, en effet, l'époque de la Révocation de l'Edit de Nantes, époque néfaste, où les protestants, entre les mains desquels étaient à peu près tout le commerce et toute l'industrie, durent abandonner leur pays, pour se soustraire aux persécutions auxquelles ils étaient en butte. Les distilleries furent fermées ; les négociants de Cognac, presque tous protestants, durent cesser leurs relations avec l'étranger ; on vit partout cesser le commerce des vins et des eaux-de-vie et la plupart des vignes restèrent sans culture.
Après la mort du roi Louis XIV (1715), la situation s'améliora sensiblement ; grâce aux idées de tolérance qui pénétrèrent peu à peu dans toutes les classes de la société, pendant le dix-huitième
siècle, les dissensions entre catholiques et protestants s'atténuèrent de plus en plus ; la paix et la tranquillité revinrent et le commerce prit un nouvel essor.
Un seul fait mérite d'être signalé pendant le cours du dix-huitième siècle. En 1767, le gouvernement de Cognac avait été donné au duc de La Vauguyon, qui affectionnait beaucoup le séjour de cette ville. Aussi, par contrat du 1er juin 1772, il obtint du roi Louis XV la cession des chàtelleries de Cognac et de Merpins, en échange de deux portions de la forêt de Senonches. Par suite de cet échange, la ville de Cognac était soustraite à l'autorité du roi, pour être placée sous le vasselage d'un simple seigneur. Aussi le mécontentement fut-il grand parmi la population, et les protestations furent-elles des plus vives.(...)
Nous n'avons pas à nous étendre sur cette période de notre histoire qui devait bouleverser si profondément l'ordre social. Disons seulement que la convocation des Etats-Généraux, pour le 5 mai 1789, fut accueillie à Cognac, comme dans le reste du pays, avec un grand enthousiasme et que, parmi les députés du Tiers-Etat, élus pour l'Angoumois, était M. Etienne Augier, l'un des représentants les plus autorisés du commerce cognaçais.
Ainsi que nous avons eu l'occasion de le dire, c'est au commerce des eaux-de-vie, produites par les vignobles charentais, que Cognac doit son importance et sa réputation mondiale. Cependant l'origine de ce commerce n'est pas très ancienne et ne remonte guère au-delà du seizième siècle.
Jusqu'à cette époque, les vignes de l'Angoumois produisaient déjà des vins estimés au dehors ; mais ces vins se vendaient en nature en Angleterre, en Flandre et en Hollande.
La plus ancienne maison de Cognac, qui se soit livrée au commerce des eaux- de-vie, est la maison Augier frères, représentée aujourd'hui par l'honorable M. Ch. de Bournonville. Cette maison, bien connue par sa scrupuleuse probité commerciale, était établie à Cognac dès les premières années du dix-septième siècle. Dans
une mézée, tenue par le Corps de ville de Cognac, le 1er mai 1627, le procureur de la commune annonça « qu'il est dû vingt-et-une livres « six sols au sieur Augier, marchand, pour nombre de sucre », et, dans une autre mézée, tenue le 23 mai 1629, figure, comme échevin, le sieur Luc. Augier.
Il appartenait à un jeune étranger de donner au commerce des eaux-de-vie l'impulsion qui lui était nécessaire pour se développer.
(...)
Jean Martell avait épousé, en 1738, une jeune fille de Cognac, Jeanne Rachelle Lallemand, qui lui laissa sept enfants. Après sa mort, sa veuve s'associa avec son frère et continua les affaires sous
la raison sociale : Veuve Martell Lallemand. Aujourd'hui, la maison Martell est représentée par M. Edouard Martell, sénateur de la Charente.
Vers 1725, s'établit à Jarnac M. Isaac Ranson, qui entretint des relations suivies avec la Hollande et l'Irlande. En 1793, M. Ranson s'associa son gendre M. James Delamain, et la maison Ranson devint la maison Ranson et Delamain.
Ce dernier était irlandais et une partie de sa famille était restée en Angleterre. Cela lui permit d'étendre ses relations dans ce dernier pays et la maison prit une grande extension.
En 1796, Mme Delamain, restée veuve, s'associa également ses deux gendres, MM. Gab. Garreau et Th. Hine. En 1817, ce dernier prit seul la direction de la maison sous la raison sociale Thomas Hine et Cie. Longtemps après, certaines personnalités, issues des mêmes familles, ont fondé deux autres maisons de commerce: les maisons Roullet et Delamain et Ranson et Cie ; mais la seule maison
pouvant prétendre au titre de successeur de Ranson et Delamain est la maison Thomas Hine et Cie.
C'est vers l'année 1765 que la maison Hennessy, la quatrième comme ancienneté, vint s'établir en France. Le fondateur de cette maison, Richard Hennessy, était d'origine irlandaise. Aussi, lors-
qu'en 1825, son fils fut élu député de Cognac, la question de sa nationalité fut soulevée à la Chambre des députés.
(...)
La maison Hennessy prospéra rapidement et acquit très vite une grande importance ; c'est, avec la maison Martell, la plus considérable de Cognac.
Afin de compléter la liste des négociants établis à Cognac avant le dix-neuvième siècle, nous citerons encore la maison O'Tard de la Grange et Dupuy, fondée au mois de juillet 1796.
Pendant tout le dix-neuvième siècle, un grand nombre de maisons nouvelles se sont fondées et la plupart d'entre elles se sont fait une réputation des mieux méritées sur tous les marchés du monde.
Parmi toutes ces maisons, nous devons une mention particulière à la Société Vinico'e, fondée par actions, en 1838, sous la direction de M. Antoine de Salignac, qui eut pour successeurs ses deux fils, Georges et Louis. Aujourd'hui la Société Vinicole est gérée par M. Monnet.
Dans le dernier quart du dix-neuvième siècle, la crise phylloxérique vint compromettre gravement la prospérité du commerce cognaçais. Mais, heureusement, les réserves accumulées dans les chais des producteurs étaient considérables et permirent aux
négociants de Cognac de traverser, sans de trop grands dommages, la période de longs tâtonnements, qui précéda la reconstitution du vignoble.
La qualité des eaux-de-vie charentaises dépend d'un ensemble de circonstances qu'il serait impossible de trouver réunies dans tout autre lieu. Ce serait donc une erreur de croire qu'il suffirait de planter des cépages charentais dans un sol ayant la même composition que le sol charentais pour obtenir des produits semblables aux eaux-de-vie de Cognac. Des facteurs, autres que le sol et le cépage, jouent également leur rôle, entre autres le climat, l'expo-
sition du terrain, etc.
(...)
Jusque vers le milieu du dix-neuvième siècle, l'exportation des eaux-de-vie s'est faite uniquement dans des futailles, fabriquées généralement en bois de chêne du Limousin. Mais, à partir de l'année 1850, un nouveau mode d'expédition prit rapidement un grand développement ; nous voulons parler des expéditions en bouteilles, que la maison Jules Robin fut une des premières à préconiser.
Ce nouveau mode d'expédition introduisit à Cognac une nouvelle industrie, l'industrie de la verrerie. Une première verrerie, installée à Cagouillet, par un M. Matignon, de Jarnac, prospéra pendant quelque temps; mais, mal administrée, elle périclita bientôt et dut éteindre ses fours. Une autre verrerie, établie au faubourg Saint-Martin, n'eut pas un meilleur sort.
En 1878, ce dernier établissement, qui était fermé depuis de longues années, fut acquis par un homme de haute valeur, M Claude Boucher, qui, par son labeur infatigable et par ses remarquables inventions, devait révolutionner l'art de la verrerie et dont la mort, survenue le 13 novembre 1913, a pu être considérée, à Cognac, comme un malheur public.
Claude Boucher fut réellement le fils de ses œuvres. Né à Blanzy (Saône-et-Loire), le 22 décembre 1842, il était fils d'un potier verrier de la verrerie de Blanzy. Dès l'âge de onze ans, il aidait
son père dans son travail ; on pouvait le voir, en hiver, se rendre, dès quatre heures du matin, à la verrerie, afin de préparer la terre(...)
C'est en 1863 qu'il vint, pour la première fois, dans notre contrée ; on lui avait offert la direction d'une verrerie qui périclitait, à La Tremblade. Il resta à La Tremblade quelques années, se maria et,
en 1868, il devint directeur de la verrerie de Faymoreau, en Vendée.
Pendant les dix années qu'il passa à Faymoreau, tout en amenant cette usine à un degré de prospérité qu'elle n'avait jamais connu, Claude Boucher poursuivait ses études en chimie. Il s'était
aménagé un laboratoire, où il se livrait à l'étude approfondie du verre et des matières qui entrent dans sa composition, ainsi que des argiles employées à la construction des fours et des creusets.
Aussi, lorsqu'en 1878 il eut acquis la verrerie de Saint-Martin, à Cognac, songea-t-il à utiliser les nombreuses connaissances qu'il avait acquises. Sa première invention fut celle d'un four de fusion
à travail continu. Ce four, qui peut contenir plus de 400.000 kilogrammes de verre fondu, permet de produire, en vingt-quatre heures, avec trois équipes d'ouvriers, jusqu'à cinquante-cinq
mille bouteilles.
Cette invention fut complétée par une autre, qui met les ouvriers cueilleurs à l'abri de la température élevée du four et de la réverbération du verre incandescent : nous voulons parler du tube
plongeur, en argile réfractaire, qui plonge dans la masse du verre en fusion et qui, grâce à un ouvreau approprié, permet à l'ouvrier de puiser les cueillages de verre sans fatigue et sans danger pour
la vue.
Entre temps, en 1882, Claude Boucher avait inventé un moule tournant, qui déjà facilitait la tâche du souffleur.
(...)
Il sortit plus fort de cette terrible épreuve et ce fut alors qu'il put mener à bien l'œuvre maîtresse de sa vie : l'invention de la machine à fabriquer les bouteilles, qui transforma complètement l'art de la verrerie.
Avant l'invention de cette machine admirable, le soufflage du verre était pour l'ouvrier verrier la cause de maladies multiples, qui le vieillissaient avant l'âge et le condamnaient presque toujours à une mort prématurée. Aujourd'hui, grâce à l'invention de Claude Boucher, l'ouvrier verrier est un ouvrier comme les autres.
Aussi la nouvelle machine fut-elle promptement adoptée par un grand nombre de verreries, en France et à l'étranger. Les inventions philanthropiques de Claude Boucher lui valurent, en 1902, le prix Montyon, décerné par l'Académie des sciences, et en 1909, la croix de la Légion d'honneur.
La verrerie de Saint-Martin devint bientôt insuffisante. Aussi, en 1903, Claude Boucher fit-il construire, au faubourg Saint-Jacques, une usine beaucoup plus vaste, qui occupe plus de cinq cents ouvriers et qui a ramené la vie et la prospérité dans un quartier de Cognac, auparavant presque abandonné. Cette usine
approvisionne la plus grande partie des négociants de Cognac et livre chaque année environ douze millions de bouteilles de toutes sortes.
Par les immenses services qu'il a rendus à l'industrie verrière, Claude Boucher peut être considéré comme un bienfaiteur de l'humanité. Aussi devons-nous applaudir au noble geste de la municipalité de Cognac, décidant à l'unanimité de donner le nom de Claude Boucher à l'une des voies les plus importantes de la cité. Souhaitons également que le Comité, formé pour élever à la mémoire de
cet homme de bien un monument digne de lui, réussisse dans son entreprise.
La verrerie de Cognac est dirigée aujourd'hui par les fils de Claude Boucher, qui, élevés à l'école de leur père, en sont les dignes continuateurs.
(...)
Les rues, étroites et tortueuses, telles qu'on en rencontre encore quelques-unes dans la vieille ville, se dirigeaient en général vers le port. Quelques vieilles maisons subsistent encore: celle dont
nous donnons la reproduction, est située à l'entrée de la rue Grande.
Lorsque l'enceinte fortifiée eut été abattue, pour faire place à un magnifique boulevard, les constructions s'étendirent de toutes parts et de vastes faubourgs s'élevèrent. Certaines voies de l'ancienne ville furent élargies ; les maisons, reconstruites et Cognac prit peu à peu sa physionomie actuelle.
Aujourd'hui Cognac est une ville importante, de près de vingt mille habitants, active, commerçante, dont le chiffre d'affaires est considérable. C'est le siège d'une sous-préfecture, d'un tribunal de
première instance, d'un tribunal de commerce et d'une chambre de commerce.
La quartier le plus animé de la ville est la place François Ier, au milieu de laquelle s'élève la magnifique statue équestre du roi-chevalier, par Etex. De cette place rayonnent plusieurs voies importantes : l'avenue Victor Hugo ; la rue d'Angoulême, bordée de beaux magasins, qui unit la place François Ier à la place d'Armes, où se trouve le Marché couvert ; le boulevard Denfert-Rochereau, magnifique avenue aboutissant au Pont-Neuf ; la place de la Corderie, où s'élève l'hôtel des Postes et Télégraphes.
La gare, située à l'extrémité méridionale de la cité, est reliée au centre de la ville par la rue Elisée-Mousnier, à laquelle fait suite la rue Saint-Martin, une des plus fréquentées de la ville.
(...)
Au sud s'étend le faubourg Saint-Martin, relié depuis peu à la rive droite de la Charente par un beau pont et dont la principal artère est la longue rue de Pons. Bientôt cette voie importante
prendra le nom du maître verrier, qui a laissé, à Cognac, d'unanimes regrets, et s'appellera la rue Claude Boucher.
Sur la rive droite de la Charente, relié au reste de la ville par un beau pont,: de construction assez récente, s'étend le faubourg Saint-Jacques, aujourd'hui en pleine prospérité grâce au voisinage de la
verrerie. Autrefois le pont, qui unissait les deux rives du fleuve, était un peu plus bas, en face de la vieille porte qui existe encore.
Cet ancien pont a été démoli en 1855.
L'ancien bourg de Crouin s'élève à peu de distance du faubourg Saint-Jacques, près du confluent de la Charente et de l'Antenne ; c'était le chef-lieu d'une ancienne commune, qui a été réunie à celle de Cognac, en 1867.
Une des principales curiosités de Cognac est son beau parc, qui s'étend sur la rive gauche de la Charente, sur une longueur de plus d'un kilomètre. Percé de nombreuses allées et planté d'arbres
magnifiques, principalement de beaux chênes verts, ce parc forme une promenade des plus attrayantes. On y accède par une superbe avenue, plantée d'arbres, d'où la vue domine la vallée de la Charente
et les hauteurs boisées qui limitent cette vallée sur la rive droite.
Les monuments du passé sont assez rares à Cognac. En dehors de la vieille porte fortifiée, qui commandait l'entrée du pont, et de quelques maisons anciennes, que l'on peut voir dans la rue Grande
et dans la rue Madeleine, nous ne pouvons citer que le château, l'église Saint-Léger et la petite église Saint-Martin.
Du château primitif construit par les Lusignan, il ne reste que fort peu de choses ; ce qui subsiste du château de Cognac, appartient principalement aux constructions édifiées par le comte Jean,
par son fils Charles et par la duchesse Louise de Savoie.
(...)
L'église Saint-Léger fut, dans le principe, le siège d'un prieuré fondé, au onzième siècle, par les comtes Itier et Arnaud et par leur oncle, Arnaud de Vitabre, évêque de Périgueux.
Ayant appris l'arrivée dans la contrée d'un moine de l'abbaye d'Ebreuil, en Auvergne, nommé Aymeric, les comtes de Cognac et l'évêque de Périgueux le mandèrent près d'eux et lui signèrent
une charte, par laquelle ils donnaient à l'abbaye d'Ebreuil, de l'ordre de Saint-Benoît, un emplacement pour y construire un monastère. On construisit alors une église en bois, qui fut consacrée
solennellement par l'évêque de Périgueux, et dédiée à St-Léger, St-Etienne et St-Laurent. Le moine Aymeric fut le premier prieur ; lorsqu'en 1059 il fut nommé abbé de Saint-Maixent, son neveu,
Hugues, le remplaça.
Pour subvenir aux premiers besoins des religieux, les fondateurs leur donnèrent une île sur la Charente, une écluse avec droit de pêche, la dîme des moulins et divers autres revenus. Bientôt les offrandes affluèrent au prieuré, qui s'enrichit rapidement, et la charte d'Arnaud de Vitabre et de ses neveux fut confirmée par Foulques Taillefer, comte d'Angoulême.
Vers la fin du onzième siècle, l'église primitive était devenue insuffisante. C'est alors que fut commencée la construction de l'église dont il subsiste encore, les principales parties et que nous décri-
rons plus loin ; la construction de cet édifice se poursuivit pendant la plus grande partie du douzième siècle.
Les fondateurs du prieuré de Saint-Léger avaient reconnu aux moines bénédictins le droit de basse et moyenne justice sur toutes les terres et maisons qui leur étaient données. Bien que ce droit eût été confirmé à plusieurs reprises, notamment en 1282, par Guy de Lusignan et en 1290, par Hugues le Brun,
(...)
Très éprouvé par la guerre de Cent ans, le prieuré de Saint-Léger fut relevé par les habitants de Cognac ; mais, après les guerres religieuses du seizième siècle, sa ruine fut définitive. Aussi,
afin d'empêcher sa disparition, l'évêque de Saintes résolut de remplacer les moines par des religieuses et, après avoir obtenu l'assentiment du prieur de l'abbaye d'Ebreuil et l'autorisation du roi
Louis XIII, il installa au prieuré de Saint-Léger, et cela malgré l'opposition du Corps de ville, des religieuses bénédictines, qui y demeurèrent jusqu'à la Révolution.
L'église Saint-Léger est aujourd'hui le siège de l'archiprêtré et a englobé dans sa circonscription, l'ancienne paroisse de Saint-Caprais du château, dont les derniers vestiges ont disparu en 1850.
L'église Saint-Léger est un monument magnifique, mais datant de plusieurs époques.
La façade et la nef sont de style roman. Voûté primitivement en coupoles, cet édifice est d'une construction analogue à celle de la cathédrale d'Angoulême, bien que de date postérieure. La sculpture est plus délicate ; la pierre, d'un grain très fin, s'est mieux prêtée à l'art de l'ouvrier.
La façade, malheureusement défigurée par une rose du quinzième siècle, est une page merveilleuse de symbolisme et d'ornementation architecturale. Il faut regretter que la pierre, effritée par les pluies de l'ouest, ne laisse plus pénétrer facilement le secret de ces enseignements lapidaires. Néanmoins, on distingue encore et très nettement les signes du zodiaque. Toute la richesse d'orne-
mentation du douzième siècle s'épanouit dans ce splendide portique qui est, en ce moment, l'objet d'une restauration consciencieuse.
Le transept du midi est également de style roman, mais moins remarquable et d'un art bien inférieur.
(...)
Le quatorzième siècle a remplacé les voûtes à coupoles par des voûtes d'arête et l'abside primitive, par un long sanctuaire, ajouré à l'orient d'une large baie rayonnante à quatre compartiments.
Le seizième siècle a ajouté les deux bas-côtés et les chapelles, qui font de cette église le plus vaste édifice du diocèse.
La construction de la chapelle, qui ouvre sur le bas-côté du midi, est due aux religieuses bénédictines, dont le prieuré se substitua à celui de Saint-Léger.
Le mobilier de l'église Saint-Léger est d'une splendeur digne de la ville de Cognac. Quatre cloches su perbes donnent un magnifique carillon. Le chemin de croix, la chaire, les orgues, les ornements
du chœur, les verrières, les peintures murales et les autels font de ce sanctuaire comme un musée d'art chrétien. Saint-Léger est bien l'église d'une des villes les plus riches du monde.
Ajoutons que l'église Saint-Léger fut célèbre par les différents conciles qui s'y tinrent au treizième siècle. Le premier de ces conciles eut lieu en 1238 et fut présidé par Gérard de Malemort, archevêque de Bordeaux. Deux autres conciles, présidés par Pierre de Roncevaux, également archevêque de Bordeaux, furent encore tenus dans l'église Saint-Léger, en 1260 et en 1262. L'un des articles
adoptés dans ce dernier concile, enjoignait aux châtelains de saisir les biens des excommuniés, afin de les obliger à rentrer dans le sein de l'église.
Jusqu'en 1827, la petite église Saint-Martin, située dans le faubourg de ce nom, fut une annexe de Saint-Léger ; mais, à cette époque, elle devint paroissiale.
C'est un petit monument roman de la fin du douzième siècle, avec triplet à l'abside. La porte est encadrée entre deux édicules, qui sont probablement des tombeaux.
(...)
L'église Saint-Jacques est un gracieux édifice, de construction récente, mais de proportions trop réduites pour un faubourg aussi populeux.
Enfin une quatrième église, de date encore plus récente, a été élevée dans le faubourg de Cagouillet. Les proportions en sont fort vastes, et donnent à cette enceinte un trait de parenté avec les
basiliques italiennes.
Le plus remarquable des monuments modernes est le nouvel hôtel de ville, édifié au milieu d'un beau parc.
La sous-préfecture et le palais de justice se font vis-à-vis et sont séparés par un joli square.
Citons enfin le Collège, magnifique établissement, l'un des plus importants de l'Académie de Poitiers.
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