La Couronne. Angoulême



COMMUNE DE LA COURONNE
Superficie = 2.855 hectares ; Population = 3.847 habitants

La commune de La Couronne est, après celle d'Angoulême, la plus importante du canton par le chiffre de sa population et par sa richesse industrielle ; mais ce qui, sans contredit, lui assure la première place, ce sont les souvenirs historiques attachés à la célèbre abbaye, dont on peut, encore aujourd'hui, admirer les ruines imposantes.

Ce fut dans les premières années du douzième siècle, qu'un clerc de la contrée, nommé Lambert, commença la construction de l'abbaye de La Couronne.
A cette époque, ce pays, si riche aujourd'hui, formait la pauvre paroisse de Saint-Jean-de-la-Palud et n'était habité que par quelques misérables serfs, qui avaient peine à retirer de ces terrains marécageux les produits nécessaires à leur subsistance.

Si l'on en croit la tradition, une bête effroyable ravageait la contrée et venait encore accroître la misère des pauvres habitants. Nul n'osait quitter sa cabane pour aller cultiver son champ ; encore moins songeait-on à lutter contre le monstre, qui répandait partout la terreur et la mort. Seul, Lambert résolut de débarrasser la contrée de cet hôte dangereux. Lambert n'était pas alors l'homme pieux qu'il devint par la suite ; il n'avait rien de la gravité voulue pour un clerc ; il était d'un naturel bouillant et chevaleresque et professait une véritable passion pour la chasse.
Afin de pouvoir offrir un asile aux malheureux, Lambert conçut alors le projet de fonder un monastère au milieu des marais fangeux qui donnaient leur nom à cette contrée déshéritée. Là se trouvait une éminence de terrain, entourée d'une ceinture de rochers, ce qui lui donnait l'apparence d'une petite couronne. C'est en cet endroit que Lambert, avec l'aide de quelques disciples, jeta les fondements d'une modeste église.

Cet édifice, commencé en 1118, fut achevé en 1122, sous l'administration du comte Vulgrin II. Il était loin d'égaler en magnificence le monument qui fut construit plus tard, et dont les ruines attestent encore aujourd'hui la splendeur passée.
Telle fut l'origine de l'abbaye de La Couronne.

Lambert ne garda pas longtemps l'administration du monastère qu'il avait fondé. Son austère piété, la pureté de ses mœurs et son noble caractère le désignaient naturellemenl pour un poste plus élevé. En 1136, il fut promu évêque d'Angoulême ; mais sa nouvelle dignité ne lui fit pas oublier son cher monastère. Grâce à sa protection, l'abbaye de La Couronne devint bientôt l'une des plus florissantes et des plus riches de l'Aquitaine. De nombreux prosélytes y accoururent de toutes parts ; elle reçut dans ses murs sacrés tous ceux qui, fuyant les violences du gouvernement féodal,
venaient chercher dans le silence du cloître, non seulement le repos de la conscience, mais aussi les douceurs d'une vie paisible.

Aussi l'église, construite par Lambert, devint-elle, en quelques années, trop petite pour tous ceux qui venaient lui demander asile, et fallut-il songer à faire construire un édifice plus vaste.

Lambert était mort en 1148, et ce furent ses successeurs qui eurent l'honneur de construire le monument qui a survécu jusqu'à nos jours. C'est une pierre carrée, un peu plus longue que large, portant, à chacun des quatre angles, un cercle au centre duquel sont gravésces mots :
 « pax hic (la paix soit ici) ».

Au milieu est une inscription latine, dont voici la traduction :
« L'an de l'Incarnation de Notre Seigneur 1171, Alexandre III sié-
« geant à Rome, Pierre occupant le siège épiscopal d'Angoulême,
« Louis VII régnant en France et Henri, duc d'Aquitaine, en An-
« gleterre, la première pierre de l'église de la Couronne a été posée
« dans les fondements de l'autel de la Vierge Marie ».

Le 10 septembre de la même année (1842), cette pierre a été remplacée à l'endroit d'où elle avait été retirée.

La construction de cette église dura plus de vingt années : ce fut seulement sous Jean de Saint-Val, cinquième abbé de La Couron-
ne et futur évêque d'Angoulême, qu'elle fut achevée. Rien n'avait été épargné pour en faire un monument magnifique ; aussi fut-elle
une des plus belles de l'Aquitaine. Elle offrait le type de ce que l'art roman de la fin du douzième siècle a construit de plus parfait
et de plus riche, et pouvait rivaliser avec les somptueuses cathé- drales construites à cette époque. Aujourd'hui encore, on ne peut se lasser d'en admirer les restes, et le touriste s'arrête émerveillé, à la vue de ces murailles hautes de cinquante pieds, dont les pierres étaient jointes par un ciment tellement dur qu'il est impossible, de les séparer.

Cette splendide église avait deux cent un pieds de longueur sur quatre vingt-neuf de largeur et cinquante de hauteur. Elle comprenait trois nefs d'égale grandeur et cinq sanctuaires. C'était l'édifice le plus vaste de l'Aquitaine, et son architecture fait pressentir déjà les magnifiques basiliques, qui vont s'élever sur tous les points de la France pendant le treizième siècle.
Cette bande se répandit dans les campagnes, se livrant à tous les excès, pillant tout et n'épargnant pas même les monastères. Henri suivit leur exemple et se fit livrer le trésor de l'abbaye de La Couronne.

Après le départ du prince anglais, les moines reprirent leur vie tranquille, et rien ne vint troubler leur quiétude jusqu'à l'époque malheureuse des guerres de religion.

Le séjour de Calvin avait contribué à répandre dans nos campagnes la religion protestante, qui compta bientôt de nombreux adeptes en Angoumois ; aussi les discordes civiles, qui suivirent la réforme religieuse, désolèrent-elles profondément notre pays.

En 1562, après s'être emparés d'Angoulême et y avoir commis toutes sortes d'excès, les protestants se dirigèrent vers La Couronne.

Ils arrivèrent le 22 mai, sous la conduite de plusieurs seigneurs huguenots et notamment de ce Jean de Flandre, qui avait violé, d'une façon si odieuse, le tombeau du comte Jean d'Angoulême.

Etant entrés dans l'abbaye par trahison, ils en chassèrent les moines, non sans les avoir fortement maltraités, témoin le malheureux infirmier, Arnault de la Sarre, qu'ils faillirent brûler vif, en mettant le feu à la paille sur laquelle il était couché. Ils emportèrent toutes les richesses de l'abbaye, sans en excepter les vases sacrés, et brisèrent les cloches, dont ils emportèrent les morceaux ;
la plus grosse seule fut épargnée.

Les moines purent reprendre possession de l'abbaye, lorsque Louis de Sansac eut chassé les protestants d'Angoulême ; mais leur tranquillité ne fut pas de longue durée.
L'abbaye reprit son ancienne splendeur, lorsque Henri IV, par la proclamation de l'Edit de Nantes, eût mis fin aux guerres civiles qui désolaient la France depuis quarante ans.

Pendant la tourmente révolutionnaire, l'abbaye de La Couronne fut ruinée ; mais elle ne fut pas détruite par les paysans révoltés, ainsi qu'on pourrait le supposer Elle fut vendue comme bien national; et ce fut son acquéreur, qui fit abattre ce chef-d'œuvre d'architecture, afin d'en retirer des matériaux de construction.

Ainsi ce splendide monument, qu'avaient épargné les hommes de la Terreur, fut détruit dans un but de spéculation mesquine. Nous
ne saurions trop protester contre un tel acte de vandalisme. Si l'on peut comprendre, en effet, qu'une multitude, aveuglée par la passion, détruise les édifices qu'elle considère comme l'emblême de sa servitude, on ne peut admettre que, de sang-froid, un homme fasse disparaître une œuvre artistique de haute valeur dans le seul but d'en retirer quelques sous.

Enfin, ce qui avait échappé au marteau des démolisseurs passa entre les mains d'un homme intelligent et ami des arts, M. Liédot, qui mit tous ses soins à conserver ce qui restait de l'abbaye de La Couronne. Aujourd'hui ces ruines font encore l'admiration des nombreux voyageurs que la curiosité ou les affaires commerciales amènent dans le pays. Elles appartiennent actuellement à un honorable négociant de Bordeaux, M. Bijon.

Nous avons dit, au commencement de cette notice, que la commune de La Couronne était la plus importante du canton comme richesse et comme population. Ses deux mille huit cent cinquante cinq hectares nourrissent, en effet, une population de trois mille huit
cent cinquante habitants, et la misère y est complètement inconnue. D'autres industries florissantes sont venues accroître la richesse du pays, et l'on trouve à La Couronne des ateliers de construction de machines et des fabriques de toiles métalliques. Des tuileries importantes se rencontrent également dans cette commune, notamment au village des Pinotières.

La commune de La Couronne est très accidentée. Elle se compose principalement de trois vallées, à peu près parallèles, séparées les unes des autres par des chaînes de collines, dont les flancs sont garnis d'énormes blocs de rochers.

La vallée inférieure des Eaux-Claires, qui limite la commune au nord, est moins pittoresque que le cours supérieur de cette rivière, qui appartient à la commune voisine de Puymoyen. Néanmoins, surtout aux environs du logis de La Tourette, elle offre aux regards de ravissants paysages.

La Charrau coule au fond d'un vallon étroit et sauvage, dominé sur presque tout son parcours, par une ceinture de rochers dénudés, d'un aspect souvent grandiose.

Entre la vallée des Eaux-Claires et celle de la Charrau, s'étend un plateau stérile connu sous le nom de Chaumes de la Tourette ; c'est là que se trouve l'hippodrome de la ville d'Angoulême.

La Roëme est un cours d'eau beaucoup plus important que les deux précédents ; elle se divise en plusieurs bras, fait mouvoir de nombreuses usines et arrose une vallée large et fertile.

Ce cours d'eau a, dans la commune, un petit affluent, le ruisseau de La Couronne, qui, né près du logis de la Côte, passe près des ruines de l'abbaye et rejoint la Boëme après un cours d'environ trois kilomètres.
Le massif de ces collines est formé d'un calcaire excellent pour la bâtisse ; aussi des carrières très importantes ont été mises en exploitation et occupent un grand nombre d'ouvriers.
Les différentes productions de cette commune trouvent un écoulement facile par les nombreuses et belles voies de communication qui la desservent. C'est d'abord le chemin de fer de Paris à Bordeaux qui possède près du bourg, une station dont le trafic est considérable.

Depuis peu, une autre station, appartenant à la ligne d'intérêt local d'Angoulême à Barbezieux, par Blanzac, dessert aussi la commune.

La route nationale de Paris en Espagne traverse la commune du nord au sud ; elle dessert les usines de l'Abbaye, des Beauvais et de Lacourade, sans parler de nombreux villages. La route départementale d'Angoulême à Larochechalais, par Montmoreau et Chalais,
sert au transport des pierres de taille, notamment de celles qui sont tirées des magnifiques carrières de Mougnac et de Bompart. Des chemins d'intérêt commun mettent en communication le bourg de
La Couronne avec les communes voisines de Nersac, Saint-Michel, Vœuil et Mouthiers.
Les premiers registres de l'état-civil, conservés à La Couronne, remontent à l'année 1620.

L'église de La Couronne serait, si l'on s'en rapportait à la tradition, la plus vieille du pays ; elle aurait été fondée en 597 par les enfants de Childebert. Le caractère architectural de cet édifice lui fait assigner une date plus récente. Il est certain, cependant, que l'église actuelle a été construite sur l'emplacement d'un édifice beaucoup plus ancien ; ce qui le prouve, c'est que la partie centrale de la nef, en plein cintre surbaissé, avec l'ouverture des fenêtres prise dans la voûte, les chapiteaux et les bases très archaïques des colonnes, indiquent sûrement une époque antérieure à l'an mil.

Le reste de l'église, c'est-à-dire le transept et l'abside, ainsi que la façade, appartiennent au roman secondaire du onzième siècle.

Les détails de cette partie moins ancienne de l'église de La Couronne offrent néanmoins un grand intérêt archéologique, surtout la construction rudimentaire de la coupole et la forme curieuse du clocher recouvert de sa flèche conique à imbrications.

Les villages de Champagne (46 hab.), de la Chapelle-de-Prades (56 hab.) et du Coq Gaulois (137 hab.), forment une longue suite de maisons bâties le long de la route nationale de Paris en Espagne et peuvent être considérés comme des faubourgs de La Couronne.

Non loin du bourg, sur le penchant d'un coteau, se trouve le charmant logis de la Côte. Cette habitation, élevée au milieu d'un beau parc et entourée de frais ombrages, a été construite par M. Abadie et appartient aujourd'hui à M. Roche.
Breuty (189 hab.), gros village situé sur la Charrau, est surtout remarquable par le bel asile d'aliénés qui y fut construit il y a environ cinquante ans. Ce magnifique établissement, situé au pied d'un coteau, ne laisse rien à désirer sous le rapport de la salubrité. Les meilleurs soins y sont donnés aux malheureux aliénés ; une vaste propriété, cultivée par les pensionnaires de l'asile, permet de distraire par le travail leur cerveau malade




















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